L'Union européenne s’est toujours réclamée d’une dimension sociale, étroitement liée à ses ambitions économiques. L'amélioration des conditions de travail et du niveau de vie, le renforcement de l'égalité hommes-femmes sont des objectifs centraux de l'UE depuis que le traité de Rome en 1957 a consacré le principe de l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.

En 60 ans, un long chemin a été parcouru, jalonné par un certain nombre d'initiatives prises par la Commission européenne fixant, soit des règles, soit des cadres tels que, la charte communautaire des droits sociaux des travailleurs, la directive instituant le comité d'entreprise européen révisé en 2009, la charte des droits fondamentaux en 2007, le socle européen des droits sociaux en 2017 et la mise en place d'une autorité européenne du travail tout récemment, pour ne citer que les principaux.

Mais la dimension sociale ne se résume pas seulement par des mesures institutionnelles, elle englobe également le dialogue social européen, qui a été lancé en 1985 à Val Duchesse, a été consacré par l'accord social de 1991 et par l'institution en 1998 des comités de dialogue social sectoriel.

Si les initiatives de la Commission gardent toute leur importance, elles restent néanmoins cantonnées aux seules compétences sociales prévues par les traités de l'UE, ce qui marquent les limites de l'action des institutions européennes dans ce domaine.

 Que peut-on dire du dialogue social européen ?

Tout d'abord il est nécessaire de rappeler que le dialogue social européen englobe, les discussions, les consultations, les actions communes et les négociations entreprises par les partenaires sociaux, employeurs et organisations syndicales de travailleurs.

Le dialogue social européen peut donc être tripartite, sollicitations entre les organisations d'employeurs et des travailleurs et les Institutions de l'UE, Commission européenne, Conseil européen, Conseil de l'Union européenne. Le dialogue peut être bipartite entre les organisations d'employeurs et les organisations syndicales européennes de manière autonome dans le cadre de leurs programmes de travail, soit fondé sur le traité dans le domaine de la politique sociale ( articles 153 à 155 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Après près de trente ans d'existence, quels sont les résultats du dialogue social européen ?

Au niveau interprofessionnel, à ce jour, la négociation au sein du dialogue social a débouché sur quatre accords mis en œuvre par des directives :

  • accord-cadre de décembre 1995 sur le congé parental et révisé en juin 2009,
  • accord-cadre de juin 1997 sur le travail à temps partiel,
  • accord-cadre de mars 1999 sur le travail à durée déterminée.

Parallèlement à ces accords-cadres, quatre accords autonomes ont été conclus entre les partenaires sociaux européens, à charge aux organisations nationales de les mettre en œuvre  en fonction de leurs pratiques propres :

  • en 2002 accord sur le télétravail,
  • en 2004 accord sur le stress au travail,
  • en 2007 accord sur le harcèlement et la violence au travail,
  • en 2010 accord sur les marchés du travail inclusifs.

Au niveau sectoriel, le dialogue social s'est considérablement élargi, passant de 19 secteurs économiques couverts en 1999 à 43 comités de dialogue social sectoriel en 2016. Ces comités offrent un espace de discussion et de consultation des propositions en matière d'emploi et de politique sociale et de négociation dans les secteurs concernés.

Le dialogue social sectoriel est également à l'origine de six  accords-cadres  qui ont été mis en  œuvre sous la forme de directives, dans le transport maritime, le chemin de fer, l'aviation civile, les hôpitaux et soins de santé et la navigation intérieure.

Le travail des comités est défini dans des programmes de travail établis par les partenaires sociaux eux-mêmes

Alors, quel avenir pour le dialogue social européen ?

Le dialogue social européen est de fait confronté à trois défis majeurs qui conditionnent son devenir :

  • le premier, c'est tout d'abord la situation internationale et bien sur la mondialisation, mais qui a peut-être atteint ses limites. Ne voit-on pas aujourd'hui un certain retour en arrière, des relocalisations vers les pays d'origine, l'attitude également de repli sur soi de certains Etats, un monde plus incertain dans son devenir et donc une nouvelle donne qui se dessine dans le domaine de la concurrence, une situation que les partenaires sociaux européens ne peuvent négliger.
  • le deuxième défi a trait au devenir même de l'Europe, d'une part dans l'organisation de son marché intérieur. Ne faudrait-il pas revisiter la notion de concurrence telle que pratiquée par la DG concurrence en favorisant l'émergence d'entreprises européennes capables de rivaliser avec les géants mondiaux et d'autre part, prendre en compte la dimension sociale et donc mieux intégrer des normes sociales à la hauteur des enjeux actuels. Il y a lieu également de d'inscrire dans la démarche de la Commission, qui dans un document de réflexion sur la dimension sociale de l'Europe portant sur la future Union, pointe cinq  scénaris,  à savoir, s'inscrire dans la continuité, rien d'autre que le marché unique, ceux qui veulent plus font plus, faire moins mais de manière plus efficace, faire beaucoup plus ensemble. Quel scénario faudra-t-il privilégier pour que l'Europe devienne véritablement unie dans toutes ses dimensions ?
  • le troisième défi concerne exclusivement les partenaires sociaux et donc leur capacité à faire vivre un réel dialogue social qui s'inscrit dans le sens d'une convergence des acquis sociaux dans tous les Etats membres. Cela passe tout d'abord par se donner les moyens internes aux organisations concernées de pouvoir négocier, d'avoir un mandat, de négocier et d'appliquer concrètement les engagements pris et donc pourquoi ne pas imaginer un accord-cadre interprofessionnel qui fixe les règles du jeu et peut-être aussi négocier quelques acquis sociaux communs à tous les travailleurs européens.

Au niveau sectoriel, le niveau qui semble le plus pertinent pour réduire la concurrence sociale, la négociation s'impose si l'on veut plus d'équité et tendre vers ce modèle social européen dont on a beaucoup parlé, mais qui est toujours attendu.

Les défis qui viennent d'être mentionnés sont primordiaux, ils conditionnent le devenir de l'Europe. Aux partenaires sociaux d'y prendre toute leur place. Sans une certaine harmonisation sociale et fiscale, l'Europe des pères fondateurs courre à sa perte, il grand temps de réagir, un sursaut de la part de tous les acteurs s'impose.

 

Septembre 2018,  Paul Rué.